Dans un esprit plus social, l’association Vergers Urbains a depuis 5 ans pour vocation de rendre la ville comestible en impliquant les citadins dans ses projets. Trottoirs, pieds d’immeuble, toits, friches urbaines, balcons, écoles, jardins ou vergers partagés… des espace ouverts et communs de (de 1,5m² à 8000m²) pour la plupart gérés par des collectifs d’habitants. « Notre objectif est de valoriser ces espaces verts en les rendant comestibles, à travers une appropriation collective » précise Sébastien Goelzer, urbaniste spécialisé en permaculture urbaine, co-fondateur de l’association. Vergers Urbains a débuté au sein du quartier de la Chapelle à Paris et compte aujourd’hui plus de soixante-dix projets à son actif. Tous cherchent à redonner du vivant à la ville avec, en fond, une prise de conscience écologique, un besoin de mettre la main à la pâte ou plutôt dans la terre, de manger mieux, local et sans pesticides. L’envie de rappeler aux petits parisiens qu’une carotte pousse dans la terre comme naguère Jean-Pierre Coffre démontrait aux enfants que les poissons n’étaient pas rectangulaires.
Les détracteurs de l’agriculture urbaine mettent en avant la pollution certes très présente en ville et déjà évoqué ci-dessus. Un véritable inventaire à la Prévert : oxyde et monoxyde d’azote, dioxyde de soufre, hydrocarbures, plomb… Si certains sols demeurent pollués, depuis des années, la politique de la Ville de Paris est le « zéro phyto » dans les jardins et autres espaces verts terrains privilégié des abeilles. S’ajoute à cela qu’éloignée des pots d’échappement des voitures, les cultures sur toits sont peu polluées. Ce n’est pas la panacée mais c’est rassurant pour les fruits et légumes mais également le miel, celui de Paris étant, pour de nombreux observateurs, plus sain qu’ailleurs. Paul Kozlow à la tête de deux ruchers à Paris acquiesce : « Dans les années 90, il y a eu un engouements de la part d’entreprises voulant verdir leur image avec des ruches. Le problème n’est plus l’absence de pesticides mais le nombre désormais trop important de ruchers : 700 en 2015, 2500 en 2019 ». En effet, pour le bienêtre des insectes pollinisateurs, abeilles en tête, il faudrait de 1 à 3 ruches par km2. Paris mesurant 100 Km2, le calcul est rapide. Une agriculture urbaine intensive à Paris, un comble !
Après le sol et les toits, n’omettons pas les nombreux sous-sols accueillant certains produits d’agricultures. Parmi eux, La Caverne, une ferme urbaine bio de 3500 m2, implantée dans l’ancien parking Raymond Queneau dans le 18ème arrondissement. Pleurotes, shiitake (un cèpe japonais), endives, jeunes pousses et… Champignons de Paris y sont cultivés sans engrais, OGM ou pesticides.
L’année 2020 fut pour beaucoup l’occasion d’un retour à la nature, de réconcilier ville et campagne et, confinement oblige, « donner du temps au temps » comme l’écrivit Miguel de Cervantès dans Don Quichotte. Alors, utopie ou réalité ? « Aujourd’hui le but est essentiellement de faire redécouvrir aux citadins des produits de qualité avec du gout. Il y a donc une partie pédagogique, évoque Marion de ALMA. Notre but et celui des fermes présentes dans la capitale n’est pas de nourrir la ville ». Ce que confirme Paul Kozlow : « L’agriculture urbaine c’est souvent un fantasme car il faut bien de vrais producteurs pour assurer le volume. Il y a certes des choses à faire, mais c’est essentiellement pour le fun… au vu du prix d’un kilo de carotte ! ». Nous sommes bien au cœur d’une utopie qui, à petite échelle, est devenue réalité.
5 questions à Alice et Marion fondatrices d’ALMA :